Page images
PDF
EPUB

Dans cette même séance du 12 janvier 1849, M. de Montalembert fit entendre ces paroles:

M. DE MONTALEMBERT: « Ce n'est pas sa volonté, direz-vous encore, c'est un caprice.

» Mais à qui est-il donc donné de distinguer entre le caprice et la volonté du peuple souverain? Je n'en sais rien Pour ma part, je ne lui connais qu'un seul lien : la Constitution.

>> Oui, messieurs, vous avez déchaîné ce géant; et, de plus, vous l'avez armé du suffrage universel. Eh bien! je crois qu'il vous dit, par des organes très licites, et non pas du tout illicites, comme on le soutenait tout à l'heure, par un certain nombre de conseils électifs, par un certain nombre de pétitions, par un certain nombre de démonstrations; il vous dit qu'il désire un changement, il vous le dit à demi-mot encore (ah! ah!), ne l'obligez pas à le dire plus haut. (Exclamations à gauche. - Cris : à l'ordre!)

[ocr errors]

» Eh bien ! messieurs, la mer de l'opinion publique n'est encore qu'agitée, Louleuse, pour ainsi dire; mais craignez que le flot ne monte... (Murmures violents à gauche.-Longue interruption.)

Je crains, messieurs, qu'une partie de l'Assemblée ne soit sous l'empire d'un déplorable malentendu; ce malentendu serait, en effet, déplorable, si elle pouvait se figurer que je veuille faire un appel à la force, à la violence; je n'ai pas besoin de désavouer cette pensée...

» UNE VOIX A GAUCHE: Vous ne faites pas autre chose.

» Oui, ce pays si généreux, si intelligent, si audacieux, a des mouvements si brusques, si saccadés, que toute réaction, tout mouvement d'opinion est toujours à craindre chez lui. Il ne sait pas se contenir, il ne sait pas ménager les transitions; tous ceux qui ont étudié son histoire le diront. En présence de cette expérience, prenez garde de ne pas l'indisposer contre ce régime, contre ce gouvernement de la tribune, des assemblées, dont je suis, pour ma part, un très humble instrument, mais le plus sincère admirateur et le plus fervent partisan.

» Le jour où vous aurez consenti à examiner la question qui vous est soumise, ce jour-là le pays se calmera, les affaires reprendront. C'est l'opinion de tous les hommes compétents.

» Contemplez cette responsabilité avant de la soulever; jugez-la, pesez l'opinion du pays, dont vous serez tôt ou tard, nécessairement, les justiciables; pesez l'opinion de la postérité! et ensuite, ramassez cette responsabilité, si vous l'osez! (Bruit et rumeurs à gauche.) Ou plutôt ne l'osez pas, et unissez-vous à nous... dans une pensée d'harmonie et de patriotisme; unissez-vous pour réjouir tous les bons citoyens; ajoutez à tous vos services le plus grand et le plus signalé de tous, et sachez conquérir la gloire la plus rare, la plus précieuse, la plus grande qu'il soit peut-être donné de posséder ici-bas : celle de savoir abdiquer à propos. »

Abdiquer à propos ! C'était, de la part de l'Assemblée na

tionale, se dissoudre de telle sorte que, nomination du président de la République, fixée au deuxième dimanche de mai 1852, et nomination de l'Assemblée législative devaient tomber toutes deux dans le même mois de mai 1852, à quinze jours d'intervalle!

Si cette double élection a lieu en 1852, c'est donc la faute de MM. Odilon Barrot, Montalembert, Lanjuinais, Rateau, et nullement la faute des auteurs et du rapporteur de la Constitution de 1848.

Ce fait, c'est la vérité même; comment M. de Tocqueville ne l'a-t-il pas rétablie, constatée, fait luire au grand jour de son rapport?

Je m'étonne qu'elle lui ait échappé; mais quelle que soit la main qui l'ait relevée et qui l'ait tirée de l'obscurité, si deux élections décisives, deux épreuves redoutables ont lieu en mai 1852, c'est un fait, c'est un danger qui ne pourront plus être justement imputés à la Constitution; la responsabilité de ce danger et de cette faute retombe tout entière sur la Réaction, qui a plus de rancune que de mémoire. Si la reconnaissance est la mémoire du cœur, la rancune est la mémoire de la peur.

II.

Si la nomination de la nouvelle Assemblée législative a lieu en 1852, dans le même mois que l'élection du nouveau président de la République, à qui la faute? - A MM. Odilon Barrot, président du conseil; Léon Faucher, ministre de l'intérieur; de Falloux, ministre de l'instruction publique, et à tous les membres de la majorité qui ont voté, en janvier 1849, l'amendement Rateau.

Si la loi du 31 mai 1850 expose la France, en mai 1852, à une catastrophe dont nul ne saurait mesurer l'étendue et calculer les conséquences, à qui la faute? - A cette même majorité qui, l'année précédente, avait voté la dissolution

de l'Assemblée constituante sans se rendre compte de la rencontre qui l'effraie tant.

Si la révision de la Constitution est rejetée par beaucoup de représentants qui l'eussent votée, à qui la faute? - Toujours à cette même majorité qui, en supprimant le suffrage universel, a rendu honorablement, politiquement, numériquement impossible la révision totale ou partielle de la Constitution.

La France, qui voit à quels dangers elle est exposée, à quel inconnu elle est livrée, sait maintenant à qui la faute.

[ocr errors][ocr errors][merged small]

LE PARTI DE L'AGITATION.

"En réalité, ce n'est pas la révision qu'on souhaite : plusieurs de ceux qui la demandent le PLUS HAUT seraient bien fachés de l'obtenir, et ils se seraient gardés de soulever la question qui nous occupe, s'ils ne s'étaient tenus pour assurés qu'elle ne pouvait être résolue. Ce qu'on veut, au fond, c'est agiter la nation. »

DE TOCQUEVILLE,

Rapporteur de la commission de révision. "Il faudra voir ce que la guillotine et la faim produiront sur le peuple. La criminelle ville de Paris mérite tout cela. "

PRINCE DE CONDE. Mulheim, le 14 octobre 1795.Lettre écrite de la main de S. A. S.- Mémoire concernant la trahison de Pichegru, rédigé par M. R. Montgaillard. - Imprimerie de la République Germinal an XII.

«Il faut que le peuple souffre; c'est le seul moyen de le forcer à désirer l'ancien ordre de choses. Il n'a d'ailleurs que ce qu'il mérite. Les raisonnements les plus simples sont perdus pour lui; il n'y a que la misère qu'il comprenne bien, et c'est par elle qu'il faut espérer le retour de la monarchie. »

PRINCE DE CONDÉ. Bulh, 22 février 1796.

10 juillet 1851.

L'article que la Presse a publié sous ce titre : UNE ACCUSATION SANS FONDEMENT a produit l'effet surprenant d'une révélation. On est convenu, on ne pouvait pas n'en point convenir, - que la double épreuve réservée à l'année 1852 n'était point l'œuvre de la Constitution et des républicains de la veille, mais l'oeuvre des monarchistes de la veille, devenus les chefs de la majorité du lendemain. On a calculé que si l'Assemblée nationale, au lieu de se dissoudre

en toute hâte en janvier 1849, sous la pression ministérielle de MM. Odilon Barrot, Faucher et Falloux, et sous la pression parlementaire de MM. de Montalembert, Thiers et Molé, avait seulement fait durer ses travaux six ou sept mois de plus et les avait prolongés jusqu'en novembre ou décembre 1849, il fût arrivé ce qui suit:

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Ainsi, dans cette hypothèse, la moins favorable, SEPT MOIS Se fussent écoulés, en 1852, entre l'élection du président et l'élection de l'Assemblée législative, et les deux élections ne se fussent plus rencontrées dans la même année.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Dans cette autre hypothèse, la rencontre des deux élections rivales n'aurait eu lieu qu'en 1856, et l'installation de la nouvelle Assemblée législative eût PRÉCÉDÉ de deux mois l'élection du nouveau président.

Rien, en 1849, n'était plus facile à faire que le calcul que

« PreviousContinue »