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en novembre 1850; mais, à ce moment, on était sous l'impression des derniers mots du Message présidentiel, et la majorité ne voulut pas laisser parler M. de Girardin; elle ne lui permit même pas d'en lire quelques passages.

C'est à ce manifeste remis, en 1848, à la Presse que la Presse donna son énergique concours.

Maintenant, que l'on compare la politique promise et la potitique suivie :

L'élu du 10 décembre « marche-t-il à la tête des idées ? » Ou « marche-t-il à leur suite? »

Ou, enfin, « marche-t-il contre elles? >>

Si, égaré par des traîtres, il marche contre elles, après avoir solennellement promis de marcher à leur tête, la Presse n'était-elle pas pleinement dans son droit de lui rappeler en novembre 1850, sous le nom de Message, le Manifeste de novembre 1848?

C'est pourtant ce grand crime que M. Nefftzer expie dans la prison de la Conciergerie, par un an de captivité!

C'est ainsi qu'il a été tenu compte, en novembre 1850, de l'énergique appui obtenu de la Presse en novembre 1848! Qu'en pense l'Ordre, qui a interpellé M. de Girardin?

1854.

DU DROIT DE PÉTITION.

I.

26 juin 1851.

DU DROIT DE PÉTITION: Tel est le titre sous lequel le National combat l'opinion de la Presse. Les raisons qu'il donne sont celles-ci :

« Nous avons répondu au discours de M. de Girardin (1), prononcé à la tribune, que l'abus ne prouve pas contre le droit. Il ne dépend pas, grâce à Dieu, du gouvernement actuel de diminuer la puissance et la sainteté des principes en les tournant contre la liberté. Nous répondons à présent à l'article publié dans le journal, qu'il n'y a, dans l'exercice du droit de pétition, aucun abaissement, aucune abdication, aucun oubli de la souveraineté populaire. Le peuple est souverain, sans doute; mais ce souverain exerce-t-il directement sa souveraineté? non; d'où il suit qu'en exprimant ses vœux aux mandataires qu'il s'est choisis, il ne fait rien que de juste, de rationnel et de convenable.

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M. ÉMILE DE GIRARDIN: Je reproche à la proposition de l'honorable M. Chapot de n'être pas suffisamment radicale, de n'être pas conséquente avec notre dernier vote; je lui reproche, en un mot, de vouloir le droit de pétition réglementé au lieu du droit de pétition supprimé, et voici les consi dérations sur lesquelles je me fonde pour insister sur la suppression absolue du droit de pétition..... Le droit de pétition appartient au droit monarchique; il n'appartient pas au régime démocratique. Rétablissez le suffrage universel, rétablissez-le sincèrement, et le droit de pétition deviendra parfaitement inutile...

(MONITEUR, 24 juin 1851.)

» Voilà les vrais principes. Toute autre doctrine n'est que déclamation on abus de mots. Pour nous, qui admettons le droit de pétition, pour nous qui l'exerçons, nous ne souffrirons pas qu'on puisse dire de nous que nous désertons le principe de la souveraineté populaire.»

Les raisons du National laissent subsister dans toutes leur force celles de la Presse, et, quoiqu'il affirme que les principes qu'il soutient soient les vrais principes, je ne doute pas qu'après réflexion il ne finisse par se ranger à l'opinion que j'ai puisée dans les études auxquelles je me livre.

Le National fonde l'utilité, la nécessité du droit de pétition sur ce motif que « le peuple est souverain, sans doute, « mais qu'il n'exerce pas directement sa souveraineté. »

Donc, de l'aveu même du National, si le peuple exerçait directement sa souveraineté, le droit de pétition n'aurait plus de raison d'être.

Que faut-il pour que le peuple exerce directement sa Souveraineté ?

Une seule chose que le suffrage universel acquière le degré de simplicité et de certitude dont il est susceptible.

Je le demande à quoi servirait le droit de pétition si, en toutes circonstances où il y aurait à trancher une question douteuse d'intérêt national, la question était soumise au peuple souverain, si c'était lui qui décidait, et s'il était armé du pouvoir de révoquer à son gré soit le mandataire qu'il aurait élu, soient les contrôleurs qu'il lui aurait donnés ?

- A rien; si ce n'est à jeter le doute sur la légitimité de la souveraineté populaire.

Je persiste donc à soutenir que le droit de pétition est d'origine et d'essence monarchique, c'est un contre-sens démocratique et un anachronisme républicain.

Le souverain commande et ne pétitionne pas. Qui pétitionne n'est pas souverain. Le droit de pétition appartient à ce régime mixte qui n'est ni la souveraineté royale ni la souveraineté nationale. Le droit de pétition est dans l'ordre politique ce qu'était dans l'ordre historique l'affranchi, qui tenait le milieu entre le citoyen et l'esclave. Il avait la tête

rasée, l'oreille percée et un bonnet pour marque de sa condition intermédiaire. A ce signalement, ne semble-t-il pas, en effet, qu'on a sous les yeux les 577,000 pétitionnaires si dédaigneusement traités par M. Léon Faucher dans la séance du 1er juin 1850?

Si le droit de pétition voulait échapper à la condamnation qui l'a frappé, il aurait au moins dû changer de nom après la révolution du 24 février, et s'appeler droit de protestation ou droit de représentation.

Mais non; le droit de représentation, de protestation ou de pétition, n'a plus, sous aucun titre, aucune raison de subsister; c'est ce dont se convaincra le National, s'il apporte dans l'examen de cette question la même bonne foi qu'il a apportée dans l'étude de la question de la liberté arbitraire et de la liberté absolue.

Convenons-en hautement la substitution de la République à la Royauté nous a tous surpris avant que notre éducation démocratique fut achevée; il y a encore en nous infiniment plus d'alliage monarchique que nous ne le croyons, et nous pouvons nous appliquer ces paroles de Luther: «Que de peines il faut pour achever de dépouiller le vieil homme! >>

II.

28 juin 1851

Ce n'est pas le National qui me répond, c'est la République qui m'interpelle.

La République croit avoir trouvé une contradiction entre l'opinion que j'ai exprimée sur le droit de pétition et ces paroles que j'ai signées :

<< On pétitionne, contre-pétitionnons.

>> Par nos pétitions annulons les leurs.

» Elles ne doivent servir qu'à se neutraliser.

» De part et d'autre, c'est un moyen de se compter.

» Eh bien! comptons-nous et comptons-les.

» Et lorsqu'ils se seront bien comptés entre eux, à quoi » serviront leurs pétitions?

>>>> -A RIEN. >>

Où donc y a-t-il là une contradiction?

Le peu de cas que je fais du droit de pétition n'y est-il pas assez clairement indiqué?

Raisonnablement, sérieusement, quel cas pourrais-je en

faire?

Est-ce que les 577,000 pétitions déposées contre le projet de loi qui est devenu la loi du 31 mai en ont empêché le vote, retardé la promulgation?

Est-ce que les nombreuses pétitions que j'ai déposées, ayant pour objet de demander la réforme de l'impôt ont seulement obtenu depuis un an l'honneur d'un rapport?

Est-ce que les 8 ou 900,000 signatures apposées au bas des pétitions qui réclament ou invoquent la révision ébranleront la résolution des 188 représentants de qui dépend le sort de la révision?

Soyez donc conséquents!

Si c'est pour se compter qu'on veut contre-pétitionner, je n'y ai aucune objection.

Si c'est pour attester que, s'il y a des citoyens qui demandent la révision de la Constitution, il y en a d'autres en nombre égal, supérieur ou moindre, qui demandent l'abrogation de la loi du 31 mai, je n'y ai encore aucune objection; et la preuve, c'est que je viens de déposer une pétition couverte de plus de mille signatures de commerçants et d'industriels de Paris.

Mais cela prouve-t-il que le droit de pétition ait aucune. utilité, aucune valeur, lorsque tout citoyen âgé de ving-un ans est électeur, et que tout représentant du peuple peut exercer le droit d'initiative?

Prouvez-moi donc que le droit de pétition ait servi à quelque chose depuis qu'il s'exerce!

Quel abus invétéré a-t-il réformé !

Quelle idée juste a-t-il fait prévaloir?

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