Page images
PDF
EPUB

ments exacts sur les progrès mécaniques accomplis dans les forges de la Grande-Bretagne 1.

Tous ceux qui ont visité les usines du continent avant ou peu d'années après le retour de la paix générale, en 1815, peuvent se rappeler l'ancien état de choses que je viens d'essayer de décrire, et qui s'applique non-seulement à la France, mais aussi à l'Allemagne, où la métallurgie du fer, cette base fondamentale de toutes les modernes industries, avait néanmoins fait assez de progrès pour devenir la seule véritablement classique en Europe vers la fin du XVIe siècle.

C'est, comme nous l'avons dit, de 1780 à 1800, où Watt s'occupait de la construction des machines à vapeur à simple ou à double effet, que se fit en Ecosse et en Angleterre cette immense transformation, à laquelle les célèbres ingénieurs Smeaton, Wilkinson, Walker, Henry Cort et Purnell 2, Roebuck de Carron, Bramah, Watt et Boulton, eux-mêmes, prirent directement ou indirectement une très-grande part, consistant principalement, comme on le sait, dans la substitution de la houille au bois, à l'aide de fours à réverbère; dans la construction de grandes machines soufflantes cylindriques, en fonte, à simple ou à double effet, à un qu à deux cylindres, par imitation des systèmes analogues de machines à vapeur; dans l'emploi, pour le cinglage des plus grosses loupes, du marteau

1 Beschreibung und Theorie des englischen Cylinder-gebläses, etc., par Joseph Baader; Munich, 1805; Annules des mines, t. XVII.Voyez aussi le no 6, an III, et le n° 73, an XI, du même recueil, ainsi que le tome I des Annales des arts et manufactures.

2

C'est à ces deux artistes que la Grande-Bretagne est principalement redevable de la nouvelle méthode d'affiner, puddler, cingler et étirer le fer au laminoir, substituée à l'ancienne méthode allemande : la patente de Cort porte la date de février 1784, celle de Purnell est postérieure de trois années (juin 1787): Annales des arts et manufactures d'O'Reilly, an VIII, t. I, p. 164. D'après le même recueil, les soufflets en fonte auraient été introduits dans les forges anglaises dès 1780, probablement à Carron en Écosse, par Smeaton, qui, pour régulariser l'écoulement de l'air, employait quatre cylindres ou pistons, mus par autant de bielles, balanciers et manivelles à directions alternées. Je regrette infiniment de n'avoir m'étendre davantage

pu

frontal ou à soulèvement par la tête, à panne de rechange en croix, coulé d'une seule pièce avec son manche et ses tourillons que supporte un simple chevalet en fonte, marteau qui, pesant de 2 à 3 000 kilogrammes, devint capable de remplacer, par l'action directe de la gravité ou de son poids, les effets de ressort des anciens rabats et renvois, mais dont néanmoins l'enclume fut soutenue par d'épaisses couches superposées et recroisées de solives en bois servant de matelas élastique contre les effets du choc; enfin, dans le remplacement des anciens marteaux et martinets à percussion servant à étirer progressivement, à l'aide du choc, les longues barres de fer, rectangulaires ou arrondies, par des laminoirs en fonte dure, avec cannelures graduées ou décroissantes, pour forger également les loupes et les réduire en barres de diverses formes ou échantillons dans leurs passages, successifs et alternatifs, au travers des ouvertures ou lunettes formées par celles de ces cannelures qui se correspondent exactement sur chaque couple de cylindres, remplissant, ainsi que dans le système de Chopitel, la fonction de véritables filières continues, où néanmoins le tirage direct et longitudinal des barres de fer est supprimé et se trouve remplacé par le simple frottement des cannelures contre ces barres.

sur la part qui a été prise, dès 1755, par cet illustre ingénieur dans l'établissement des premières et puissantes machines appliquées aux moulins de l'Angleterre, et parmi lesquelles il faut comprendre les moteurs bydrauliques, dont il avait étudié expérimentalement les propriétés dans des ouvrages bien connus et traduits dans notre langue par feu Girard, de l'Institut. Qu'il nous suffise ici de rappeler que ce célèbre édificateur du phare d'Eddystone devint, par l'ensemble de ses savants et nombreux travaux, le type, le modèle de cette illustre pléiade d'ingénieurs civils dont s'enorgueillit la Grande-Bretagne. Quant à Roebuck, le directeur ou propriétaire des fonderies de Carron en Écosse, on sait qu'il fut, pour plusieurs objets, l'associé de James Watt, avant mème que ce grand ingénieur le devînt du non moins célèbre fabricant de quincaillerie de Birmingham Boulton, dont il fit, dit-on, la première connaissance à cette même usine de Carron.

SIV. Historique relatif aux anciennes machines à laminer, rogner et fendre les métaux en feuilles ou en verges. · Aubry Olivier, Chopitel, Jean-Pierre Droz, Jamain et Poncelet, Colon et Degrand, Wilkinson, W. Bell et Fayolle.

Les droits de chaque inventeur n'étant pas assez bien définis et établis jusqu'à présent pour qu'on puisse appliquer des noms et des dates certaines aux plus anciennes tentatives mécaniques faites en vue de perfectionner la fabrication du fer, je me bornerai à rappeler ici, sans prétendre établir aucune comparaison entre des moyens aussi différents par le but et la grandeur des dimensions: 1o que le laminoir à préparer les lames métalliques minces employées à divers usages est une invention toute française, attribuée à Aubry Olivier, mais certainement réalisée dès le xvr° siècle, dans un moulin établi sur la Seine, à Paris, par un nommé Antoine Brulier ou Brucher; 2° que le mécanicien et graveur Jean-Pierre Droz, de la même ville, imagina (1783 à 1787) non-seulement de se servir de cisailles circulaires ou continues, à biseaux d'acier, avec équipage de roues dentées, qui, en leur imprimant des vitesses égales et contraires, servent à rogner les côtés des lames métalliques employées à la fabrication des flans monétaires, mais aussi d'appliquer au laminoir à étirer ces mêmes lames des engrenages latéraux, à pas croisés ou compensateurs, de manière à faire marcher, de quantités rigoureusement égales, le cylindre supérieur, mobile verticalement avec ses coussinets en cuivre ou empoises maintenues, au moyen d'un ingénieux système de vis à engrenages solidaires, dans un parallélisme en quelque sorte parfait à l'égard du cylindre inférieur fixe, l'axe du cylindre mobile et celui des pignons qui lui correspondent offrant un accouplement à articulations libres, très-simple, qui lui permet de changer de position sans qu'il en résulte aucune gêne pour l'exact engrènement des pignons1; 3° qu'enfin Chopitel, déjà mentionné, avait dès 1751

1 Rapport de M. de Prony à l'Institut de France, au nom d'une commission dont Périer et Berthoud faisaient partie : brochure imprimée à part, en

ou 1752, établi à Essonnes, près de Paris, d'assez forts cylindres lamineurs, mus en sens contraire par deux roues hydrauliques, dont l'un était parfaitement uni et l'autre cannelé pour profiler des plates-bandes, des tringles de fer, meneaux de croisées et autres ouvrages de serrurerie, mais dont, comme on l'a dit, l'utile exemple ne paraît pas avoir été suivi par les maîtres de forges de notre pays, grâce peut-être à l'insuffisante publicité accordée à cette heureuse conception par l'ancienne Académie des sciences, dont néanmoins les savants commissaires étaient loin de contester le mérite pratique1.

L'idée de substituer des outils circulaires à action continue aux anciens marteaux agissant par le choc, avec une grande perte de temps et de force vive, constitue en effet, par elle-même, une invention capitale, non-seulement au point de vue des théories mécaniques, mais aussi sous le rapport pratique et économique du travail et de la production accélérée du fer, dont l'introduction dans les forges anglaises, par Cort et Purnell, a malheureusement été accompagnée des inconvénients qui résultent du manque de corroyage inhérent à l'action rapide du marteau frontal, des cylindres cannelés, ébaucheurs et étireurs.

L'usage des grands laminoirs à fabriquer les feuilles d'acier ou les tôles de fer a d'ailleurs été introduit dans nos contrées

l'an XI, par Baudoin. Voy. aussi le Moniteur du 2 fructidor an x et le t. VI du Traité de M. Borgnis.

a

1 Voyez dans les archives manuscrites du secrétariat de l'Institut le rapport déjà cité de ces commissaires, rapport terminé par ces lignes dignes de remarque, et qui paraissent attester que Camus et de Montigny avaient bien saisi toute l'importance de ce nouveau procédé de fabrication du fer en barres « Le sieur Chopitel se propose de profiler du fer dessus et dessous en « faisant les contre-parties entaillées dans le cylindre supérieur; ce qui ne peut pas manquer d'avoir le même succès, pourvu que les cylindres n'aient « aucun mouvement horizontal, et c'est une nouveauté.... » L'usine d'Essonnes offrait d'ailleurs deux roues hydrauliques, l'une faisant marcher des marteaux, l'autre une machine à tailler les limes, déjà approuvée par l'Académie et privilégiée. Enfin les commissaires reconnaissaient que, loin de perdre en qualité, le fer, doux mais médiocre, avait acquis du nerf et l'apparence fibreuse qu'il eût obtenue de son passage à la filière d'archal.

dès l'année 17911 par MM. Jamain et Poncelet de Sedan (Ardennes), d'après un système où les cylindres, de o",55 à 1,95 de longueur, réglés, quant à l'écartement, par de simples vis surmontées de roues à chevilles ou à mains, étaient mus séparément par de grandes roues hydrauliques à engrenages, au moyen desquelles ils marchaient d'un pas égal et en sens contraire; ce qui semblerait indiquer qu'on n'avait pas jusque là adopté dans nos forges l'usage des vis de réglage solidaires et des commandes latérales de pignons dentés, non plus que celui du volant régulateur ou emmagasinateur de travail mécanique, déjà proposé en 1758 par l'Anglais Keane Fitzgerald2, dans un but, il est vrai, un peu différent, puisqu'il ne s'agissait là simplement que d'entretenir et régulariser les effels de l'action motrice intermittente dans un appareil à rouages dentés servant à transformer le mouvement rectiligne alternatif des tiges de pistons en mouvement circulaire continu: système auquel, comme on sait, on a depuis substitué celui de la manivelle à bielle, emprunté au rouet à pédale des fileuses ou à la meule du rémouleur, mais dont, en réalité, l'ancien et si remarquable principe ne fut appliqué en grand qu'en 1779, par Wasbrough de Bristol, bientôt suivi de Watt, qui, après avoir employé provisoirement la mouche au lieu d'une manivelle, finit, à l'expiration de la patente de ce malencontreux ingénieur (1793 à 1794), par adopter le système actuellement en usage dans les machines à vapeur, dont la manivelle et la bielle sont liées à la tige du piston par le balancier, muni de son ingénieux parallélogramme articulé.

Je ne citerai que pour mémoire les brevets pris en France, en 1806 et 1811, par M. Colon, à Paris, et M. Degrand, à Marseille, pour des laminoirs et des fenderies ou cisailles continues à lames circulaires multiples, nommées espatards, et employées à la fabrication des tôles, des fers en verges, etc. : car il

1 T. II, p. 1, du Recueil des brevets expirés.

2 Transactions philosophiques de la Société Royale de Londres (1758),

P. 727.

T. VI, p. 243, et t. XIII, p. 246, du Recueil des brevets expirés.

« PreviousContinue »